Patrick Rondat le 1er Avril 2004 - Paris


On attendait depuis longtemps un retour aux sources de notre héros national, c'est à dire à la musique instrumentale qui l'a fait connaître et ça y est : Parick Rondat est de retour avec un nouvel album "An Ephemeral World", recueil d'ambiances feutrées et d'envolées guitaristiques ... Entre coups de gueules et projets musicaux voici le compte rendu de notre entrevue ...


Aedonia : Quel est le concept de ce nouvel album ?
Patrick Rondat : En fait le concept est assez simple, ça part de plusieurs idées. Ca parle tout d'abord de la vie qu'on a en ce moment, car je trouve qu'on va de plus en plus vers une culture de l'éphémère, c'est à dire qu’on pousse les gens aussi bien dans leur vie, dans leur travail, que dans leurs habitudes de consommation... Il y a une espèce de course à la nouveauté qui empêche les gens de se poser, une culture de l'éphémère qui à mon avis nous mange la tète, donc j’ai fait un parallèle avec ça et puis plein d’autres choses, la culture actuelle, la télé … J’ai essayé de prendre en compte plusieurs aspects et j’ai écrit un texte que j’ai mis dans l’album qui explique tout ça, ce que j’ai voulu dire …
L’album commence, tu as vu comment ça démarre, sur un clin d’œil à Pinocchio, qui parle d’un monde où on n’a plus envie de faire d’efforts, où on ne veut plus de contraintes, se casser la tête, je ne parle pas forcement du boulot, mais du reste notamment des loisirs. Par exemple je vois dans la guitare, les gens ne veulent plus s’embèter autant qu’ils le faisaient avant, ils veulent que tout soit facile, il ne faut pas trop de contraintes, et en fait j’ai l’impression qu’on perd un peu notre âme …
Quand tu fais une musique compliquée on te dit que c’est trop technique, que c’est trop ci, trop ça, que c’est pas assez accessible, qu’il ne faut pas que ça dérange les gens … Donc ça parle un peu de ça mais à l’opposé j’ai écrit des morceaux longs auxquels j’ai donné des noms de mers anciennes, avant la séparation des continents. J’ai essayé d’opposer l’histoire de l’univers avec la futilité de ce qu’on est en train de faire en ce moment, comme par exemple dans la musique : pour parler de la musique de demain, on prend un groupe qui marche bien sur le moment, on te monte ça en épingle comme si c’était une valeur sure, et finalement un an après ou six mois après on en parle plus, alors qu’à l’opposé les musiciens classiques, les grands compositeurs, ou certains groupes de pop-rock comme Led Zeppelin, on en parle encore.
Si tu veux on ne prend plus de recul : un groupe marche, on dit tout de suite que ce sont des stars, alors que des fois t’en entends plus parler après … En gros on essaie de mettre en avant le groupes pour faire du business et on est en train de faire un public de zappeurs.

A : C’est une consommation « tu prends tu jettes »…
PR : Oui c’est un peu comme ça et j’estime que c’est un mauvais choix car tu as besoin du contraire, tu as besoin que les artistes t’emmènent pas forcement où tu voulais aller, qu’ils te fassent écouter d’autres choses, qu’ils t’emmènent un peu ailleurs même s’ils font des albums que tu aimes moins, mais tu ne restes pas dans le cadre il y a une demande, faut leur donner ce qu’ils veulent, pour moi c’est tout sauf un travail artistique …
J’ai essayé de faire un album qui correspond à ça, qui me corresponde vraiment. Il n’y a pas forcement un lien entre le texte et la musique même si sur certains titres il y a un lien mais c’est une façon de revendiquer ce que je fais artistiquement c’est à dire de faire une musique qui est plus compliquée que la moyenne de ce que les gens écoutent, qui est plus difficile à défendre, plus à part dans le marché. Je veux affirmer ce que je fais … J’ai toujours été à l’essence de ce que je voulais faire, sans jamais faire de compromis …

A : Quand tu as composé tu pensais déjà à tout ça ?
PR : Oui tout à fait ! Ce qui a changé c’est le titre de l’album qui devait être le titre du cinquième morceau de l’album, c’est à dire Tethys. En fait c’était dur de faire un lien sur la globalité de l’album avec ce titre. Mais sinon j’avais le concept d’ensemble. Si tu veux il y avait toujours ce côté de il faut faire une musique facile, c’est trop complexe, les gens ne peuvent pas supporter ça, et à côté de ça tu as TF1 avec tous leurs jeux de cons où on pousse des gens à faire n’importe quoi et à un moment donné tu te poses la question mais on va où ? C’est vraiment l’île aux ânes. Quand tu vois les jeux à la télé, ils posent une question que même en n’ayant pas regardé l’émission tu sais tout de suite la réponse uniquement pour que les crétins appellent et envoient des milliers d’Euros en restant comme des cons au téléphone pour payer les mille Euros du crétin qui va gagner. Tout le monde rigole, ils sont là, ils applaudissent : pour moi l’île aux ânes c’est ça ! Pouet pouet ! T’as le bonnet sur la tête , tu te poses pas de questions, on s’amuse ! Et pendant ce temps là tu as trois millions de chômeurs, un cinquième de la planète qui bouffe , c’est ce côté là qui me révolte.

A : Quelque part ils vendent des rêves en essayant de donner un peu d’espoir …
PR : Pour moi ils vendent ce que j’appelle de mauvais rêves, je pense qu’un rêve ça correspond à des choses que tu fais, que tu vis, et là c’est pas du tout ça, c’est des paillettes et de l’argent, c’est tout ce qu’il y a … Tu n’as jamais le même bonheur si tu achètes quelque chose ou si tu le fabriques toit-même, c’est jamais pareil … Tu vois des gens qui sont endettés, au chômage et qui ont quand même un lecteur de DVD, c’est bien d’avoir un lecteur, je ne suis pas contre, mais ces gens là se mettent dans des situations pas possibles à cause d’une telle pression commerciale… Je connais des mères de famille qui ont de vrais problèmes financiers, dont les enfants ont un téléphone portable à cause de cette mode, de cette pression commerciale car c’est le mode de fonctionnement de la société, qui ne marche que par la consommation … Quand elle baisse on est là à se demander mais quand est ce qu’elle va repartir, mais ça ne peut pas être un truc éternel, que ce soit au niveau des matériaux, de la pollution … Tu ne vas pas acheter 5 lecteurs DVD, 6 télés, 5 frigos parce qu’il faut relancer la consommation. A un moment donné ça ne peut pas être le bonheur de vie … Les gens c’est uniquement ça qui compte pour eux …
Honnêtement je ne comprends pas … Je pense pas que le bonheur soit là … Je n’ai rien contre les biens matériels, je dis pas qu’il faut habiter dans une cave et avoir une chaise, c’est pas ça, faut juste pas simplement que ce soit un but, il faut que ça te permette d’avancer ou de te faire plaisir, mais sans t’empêcher de faire des choses réellement, qui t’aident à les faire mais pas qui les remplacent.
Je trouve qu’on est dans une société trop virtuelle, trop dans l’impalpable, on a vraiment besoin de faire des choses, de se réaliser à travers ce qu’on fait, que ce soit du sport, un truc manuel, ou artistique, que ce soit dans le domaine professionnel ou pas d’ailleurs, ce n’est pas très important, on peut avoir un boulot et faire du sport ou de la musique à côté. Au contraire je préfère des amateurs passionnés qui font de la bonne musique que des professionnels opportunistes qui font de la merde.

A : As-tu profité de l’album pour faire d’autres coups de cœur ?
PR : Non pas vraiment, il y a juste ce coup de cœur à Pinocchio sur le premier titre avec un côté fête foraine, un côté décadent, où tu te dis qu’il y a quelque chose qui ne va pas bien . On a des comportements de société en train de dégénérer, ente les montées d’intégrisme de tout bord, l’intolérance de certains la violence des autres, les gens qui posent pas de questions, et les autres qui s’en posent, qui se bougent pour que ça change… Je trouve que ça part dans tous les sens…

A : Pourquoi tu as choisi de reprendre la Partita pour violon de Bach ?
PR : Ca faisait longtemps que je cherchais un morceau classique à reprendre, même si j’en ai fait d’autres déjà. Je cherchais une pièce classique à jouer seul. J’en ai essayé plein : des Caprices de Paganini, le 16, un bout du cinquième, un bout du 24ème, de trucs de Mozart mais qui n’aboutissaient pas forcement à un résultat qui me satisfaisait complètement. J’ai trouvé que celui-là au niveau de la tessiture, au niveau de l’écriture, de la tonalité, correspondait à la guitare et aussi à ma façon de jouer. Sur les morceaux pour violons il y a énormément d’arpèges qui peuvent être joués en sweeping, mais avec une étendue différente ou alors qui montent dans des octaves que l’on n’a pas, ou alors avec des cordes à vide en Sol grave qu’on n’a pas non plus. Des choses qui font que tu es obligé de bidouiller un peu ou alors jouer avec tout un tas de suites de tierces jouées rapidement qui ne passent pas en son saturé. Ce titre là quand je l’ai entendu, j’ai vraiment eu envie de le jouer, c’était un peu une sorte de défi car ça ne paraît pas forcement difficile mais ça l’est.

A : Comment as-tu composé les morceaux ? Ce sont plusieurs phrases musicales qui tu as ensuite reliées ensemble ?
PR : Si tu veux quand tu as un morceau comme Tethys qui dure 12 minutes, je peux pas te dire que c’est venu d’un bloc. C’est évident que c’est venu par bouts mais avec une vision d’ensemble. Je compose les morceaux comme des mini Amphibia : j’ai une idée sur la totalité du morceau, je sais ce que je vais mettre dedans, genre sur Tethys, une intro, ce type de thème, un passage plus cool, plus lent. J’avais la vision d’ensemble, maintenant il restait à remplir les blancs. Des fois les hasards de la composition font que tu as un accord qui vient puis tu te dis que harmoniquement tu vas plutôt mettre celui-là et tu as un thème qui vient dessus et ça t‘emmène un peu ailleurs de ce que tu avais imaginé au départ mais de toute façon tu y arrives un peu plus tard. Ca met du temps à composer, j’écris absolument tout, les parties de batterie, de basse , de synthé, c’est énormément de travail. Quand c’est un travail de groupe c’est autre chose, quand tu arrives avec un riff, que le batteur vient avec son plan ça distribue le travail, quand tu écris tout c’est beaucoup plus conséquent.

A : Pour chercher tes idées, tu te mets dans un coin avec ta guitare et tu joues ou tu utilises un PC ou un synthé ?
PR : En fait je fais un peu les deux, des trucs sur la guitare, et d’autres sur un petit QY Yamaha que j’ai souvent avec moi notamment en vacances, et dessus j’ai un séquenceur avec des synthés, des batteries, des basses. J’ai entièrement programmé Tethys dessus et après je l’ai rentré dans l’ordinateur pour changer les sons. Je me sers pas mal de cet outil là pour structurer les choses et c’est marrant finalement car c’est le seul album ou j’ai pas de claviériste et c’est celui ou j’ai le plus de parties claviers.
D’habitude je compose seul avec la guitare, sans clavier et du coup je mets des guitares partout et quand j’arrive pour voir le claviériste , le morceau est fait, et il faut qu’il mette un son dessus ou que j’explique le son que je veux mais je n’arrive jamais vraiment à avoir le résultat que j’imagine et en fait tu arrives à des trucs qui vont pas parce que tu ne l’as pas écrit comme ça ou alors des fois ça marche comme dans Amphibia. Là dès la conception des morceaux y’avait des claviers, pour le morceau Ephemeral World, je n’avais même pas fait les guitares, juste que des parties claviers. J’ai mis les guitares qu’après. J’ai changé des fois des détails pour qu’elles s’intègrent mieux dans l’orchestration mais tu pouvais écouter le morceau sans guitares. Ca change carrément l’optique musicale et c’est ce qui m’a amené à faire des choses qui par moment sont plus orchestrales, plus symphoniques mais pas au sens néo-classique, au sens orchestré.

A : C’était voulu au départ ou c’est venu par hasard ?
PR : En fait j’avais en tête de faire cet album, avec une musique un peu plus progressive, plus mélodique, avec des climats qui alternent, d’aller vers des choses plus variées.

A : Comment ça se passe avec les autres musiciens quand tu arrives en studio : ils ont un petite liberté ?
PR : Ils ont une petit liberté mais elle n’est pas énorme. La musique est écrite ce qui veut dire que les choses sont imbriquées les unes dans les autres et que c’est difficile de les changer. Si j’envoie les parties de batterie au bassiste et que je lui dis tu fais ce que tu veux, et qu’il y a déjà un dessin sur la grosse caisse, il va forcément la suivre et quelque part ça va redonner ce que j’ai programmé donc ce n’est pas très utile. Je fais tout chez moi, les maquettes que j’écris sont très très proches de l’album final, il n’y a pas de gros changements à part sur la qualité du son.
Par contre sur Twilight y’a un passage en tapping à la basse qui n’était pas écrit. Tout le reste est joué à la note près. De plus, ce morceau est très particulier pour moi car je joue comme je pense ne jamais avoir joué auparavant. Je savais que c’était en moi mais je n’avais jamais vraiment eu l’occasion de le faire et je suis content de ça car ça sonne un peu bluesy, avec une tendance jazzy par moments, et je trouve ça bien quand tu as plus de 10 ans de carrière derrière toi, d’arriver avec un titre où les gens découvrent un côté de la personnalité qu’ils ne soupçonnaient pas.
Je suis assez content de ça car ça veut dire que j’en ai encore d’autres des comme ça. J’aime beaucoup ce morceau, il est complètement à l’opposé de ce que je fais d’habitude, avec une économie de notes, un placement rythmique, des notes à peine marquées, c’est de la dentelle. Quand j’ai écrit ce morceau il n’y avait pas de guitares dessus, juste batterie/basse et les nappes de claviers. J’ai trouvé tout de suite, dès que ça commençait, qu’il y avait une atmosphère particulière. Je l’avais mis de côté, ne pensant pas m’en servir, mais à chaque fois que je retombais dessus, même ne l’ayant pas écouté depuis 6 mois, je me disais qu’il y avait quelque chose dans ce morceau. J’ai trouvé bête finalement de ne pas m’en servir, et du coup dès que j’ai commencé à jouer dessus c’est cette ambiance feutrée qui est la mieux ressortie. Je me suis dit que ça ferait du bien quand tu écoutes l’album., que ça t ‘emmène ailleurs, que ça fait une pause, et du bien aux oreilles.

A : Comment as-tu fais la prise de son pour la guitare ?
PR : J’ai utilisé des guitares RG 3120 Ibanez, une 7 cordes sur Ispahan, des têtes Peavey Ultra, une Classic 50 et une TripleX que j’ai fait modifier pour qu’elle se rapproche le plus du possible son de l’Ultra. Je l’ai eu qu’à la fin pour faire quelques bricoles. J’ai utilisé un baffle 5150 et 2 micros SM57.

A : Tu as enregistré toutes les guitares en Allemagne ?
PR : Non en fait, j’ai fait toutes les prises de son chez moi. J’ai fait les maquettes chez moi, puis je les ai envoyées à tous les musiciens pour qu’ils bossent dessus. J’ai envoyé mon disque dur en Allemagne pour qu’il transfert tout sur son système à lui. Après on a été répéter, puis on a été en Allemagne pour enregistrer la batterie. J’ai rapatrié les pistes sur mon disque dur et je suis rentré chez moi pour enregistrer les guitares. Patrice est venu chez moi enregistrer la basse et après j’ai envoyé les CDs par la poste en format données 24 bits et Dennis a fait le mixage en Allemagne.
En fait c’est la première fois que je produis artistiquement et financièrement un disque et je n’avais pas les moyens de tout faire en studio. Ca aurait demandé un plus gros emprunt au niveau de la maison de disque avec le risque que soit ils ne recouvrent pas, soit qu’ils recouvrent mais que je ne gagne pas un centime donc ça m’a imposé un challenge qui était d’avoir un album équivalent à Amphibia avec 1/5 du budget. J’ai la chance qu’on m’ait aidé pour trouver ProTools, un Mac, du matos que je pensais pas du tout utiliser tout de suite. Je voulais m’y mettre tranquillement, pour l’album d’après en me disant peut être un jour je voudrais monter mon studio, puis finalement je m’en suis servi tout de suite. La maison de disque aurait pu produire cet album, mais que dans un an car elle venait de produire d’autres choses, et je ne voulais pas attendre plus alors j’ai décider de m’y mettre.
J’ai eu la chance de bosser avec ce studio en Allemagne, qui a bossé avec Vanden Plas, qui m’a fait un prix super et qui m’a beaucoup aidé chez moi pour les prises de son. J’avais jamais pensé faire un album chez moi et les seules prises de son que j’avais faites étaient pour des maquettes. En fait je lui envoyé 20 secondes de musique par mail et il me disait non, ne place pas les micros comme ça, il m’a vraiment expliqué comment faire et un jour il m’a dit c’est bon, envoie moi les guitares d’un titre, je te le mixe et tu me dis si ça te plait. Ca me plaisait et du coup j’ai fait toutes les guitares comme ça. Par contre j’ai rien pris comme effets, à part la wha-wha et 2/3 bricoles d’harmonizer sur Donkey’s Island, que le son de la tête et du baffle. On a ajouté un peu de reverb et de delay sur les leads au mixage mais c’est tout.

A : Tu as fait les claviers avec Pro Tools ?
PR : En fait on a copié les fichiers midi du QY dans ProTools et après on a affecté d’autres sons en Allemagne, on a retouché la vélocité, la longueur des notes. J’ai fait quelques guitares avec un guitare midi dont quelques arpèges pianos qu’on a été obligés de recaler car ça bouge un peu en midi mais ça m’a permis d’avoir plus de spontanéité et de doubler certains leads.

A : Tu écoutes quoi en ce moment ? Quels groupes t’inspirent ?
PR : Quand je bosse sur un album je n’écoute pas beaucoup de choses, ce que j’ai écouté le plus récemment c’est le denier album de Porcupine Tree, un groupe que j’aime bien, qui est assez progressif et atmosphérique avec des climats et des ambiances. J’aime bien ce type de musique, j’ai un côté Pink Floyd. Par exemple, dans Tethys, y’a un passage très très calme avec juste un synthé et la guitare en son clair, j’adore ce passage, il y a très peu de notes, j’ai rarement joué aussi peu de notes dans ma vie et j’ai énormément de plaisir à les jouer et à les écouter.

A : Il y a des personnes avec lesquelles tu aimerais particulièrement joué aujourd’hui ?
PR : Il y en a beaucoup mais ce n’est pas lié à l’album. Je me suis pas dit j’aurais aimé que machin vienne jouer dessus. Il y en a tellement, que ce soit Al Di Meola, Jeff Beck, Mac Laughlin, il y a plein de gens avec qui j’aimerais jouer.
Récemment j’ai fait une rencontre avec un pianiste classique (Hervé N’Koua) et on a joué ensemble à l’occasion d’un événement organisé par un service culturel près de Bordeaux. C’était une rencontre d’artistes de milieux complètement différents. Le but c’était qu’on joue des morceaux chacun de son côté et qu’on se retrouve à un moment donné. J’y suis allé la veille, on a répété quelques pièces classiques, il a joué quelques nocturnes de Chopin, un peu de Mozart, j’ai fait quelques titres sur bande et on s’est retrouvé sur quelques titres.
Ca m’a beaucoup apporté, j’ai eu énormément de plaisir et lui aussi. Ce qui était drôle c’était le mélange dans le public : y’avait des dames de 60 ans qui le suivent d’habitude et il y avait des gens qui me connaissent moi, du coup ça faisait deux mondes dans la salle. De temps en temps je faisais un clin d’œil au pianiste en voyant une dame pour lui dire, elle vient pour toi celle-là. Du coup c’était vachement sympa et très intéressant musicalement. J’étais sur un ampli en son saturé, au même volume que le piano, pas repiqué sur une console, et ça donnait un mélange que je ne soupçonnais pas et que lui non plus d’ailleurs. Il a trouvé que la tessiture de l’instrument électrique ne le choquait pas.
On a fait le Presto de Vivaldi, évidemment, et c’est encore autre chose de jouer ce morceau avec seulement un pianiste classique au lieu d’un groupe, ça demande une autre rigueur. On a joué d’autres choses de Vivaldi, il a joué un de mes titres, ça m’a bien plu et je pense que c’est un truc que je vais renouveler. Je l’ai appelé pour lui demander comment il avait vécu ce concert, et si ça l’intéressait de monter un répertoire et de faire un album avec ça, pas tellement un album pour faire de la vente mais surtout pour tourner, parce que je suis un peu frustré de faire des concerts qu’à la sortie d’un album et que tout le reste ce soit des masterclasses sur bandes. Bon, j’aime bien mais au bout d’un moment j’en ai un peu marre. Là j’ai pu faire la différence car au début j’ai joué sur bandes puis après avec lui, et j’ai pris 10 fois plus de plaisir à jouer avec lui.
Même musicalement il y a un truc qui m’a vraiment plu c’est la rythmique instrument à instrument où la rythmique tient juste sur deux personnes et où tu ralentis certains passages comme en classique, où tu donnes plus de nuances, de pèche sur un passage. Il y a deux trois petits détails qu’il faut que je vois au niveau du matos, il me faudrait une pédale de volume car ce qui nous manque le plus c’est les nuances car des fois c’est très doux au piano et la guitare saturée c’est un peu toujours le même niveau sonore. Je l’ai fait au volume sur la guitare mais c’est difficile à gérer. En fait il me faut une pédale de volume et que le volume minimum ne soit pas zéro mais juste quelques dB en moins, ce qui fait que tu as une position douce sans perdre de son, et je pense qu’avec un bon choix de micros tu arrives à faire quelque chose.
C’est un travail hyper intéressant car c’est quelqu’un qui a l’oreille absolue évidemment, qui entend tous les accords, toutes les notes, tout ce que tu joues, la tonalité, quand tu joues il sait quelle note c’est, il sait ce que ça devrait être. Ce qui m’a fait plaisir c’est que j’étais pas complètement à la rue, même pas du tout, et je pense qu’il était quelque part étonné de ça. Il ne s’attendait pas à ça.
Quand on lui a parlé de ça il a du se dire bon il va faire les fondamentales et tant pis je vais me boucher les oreilles et on va le faire. Il ne s’attendait pas à ce que je double des phrases, que je prenne ce qu’ils appellent le texte c’est à dire la partie technique d’un morceau, tu vois, quand on a joué le presto il ne s’attendait pas à ce que je le joue comme ça même s’il l’avait entendu avant. On a joué d’autres trucs, de Mozart, un extrait des Noces de Figaro, où je prenais carrément des rôles de Lead et il ne pensait pas que je le ferais.
L’idée que j’ai c’est qu’on prépare un répertoire dans notre tête, qu’on s’envoie les partitions, qu’on les travaille, on répète une semaine puis on fait un enregistrement en Live. En fait j’ai eu un flash, là-bas, car on jouait dans un château, dans une salle avec du parquet, et quand tu rentrais tu voyais le piano à queue et la tête Peavey et le baffle, et je me suis dit dans ma tête là on tient une pochette d’album. Je pense que la rencontre d’un musicien classique et d’un musicien rock va intéresser du monde et qu’on va pouvoir dégoter des dates et des salles de concert. De mon côté ça me permettrait de faire pas mal de concerts par an, et la perfection musicale que ça demande m’intéresse carrément. Autant faire du néo-classique à la guitare ça ne m’intéresse pas, autant faire du classique ça m’intéresse, y’a un réel défi avec des phrasés très complexes.

A : Vas-tu refaire des choses avec Elegy ?
PR : Je ne sais pas en fait car Ian n’est pas parti pour ça, il en avait un petit peu marre donc on n’a pas de deal à l’heure actuelle. Peut être quand j’en aurais fini avec tout ça, mais c’est pas pour demain car déjà quand je vois le nombre de Fnacs dans lesquelles je dois passer, je me dis que je ne suis pas prêt de rentrer chez moi, après ça va être l’été et je veux monter le petit truc classique. Elegy ça risque d’être beaucoup de travail pour faire 2 dates et demi et je cherche plutôt une formule pour jouer plus en Live.

A : Aurais-tu un rêve à réaliser même si ça n’a rien à voir avec la musique ?
PR : Non pas vraiment, j’ai la chance d’avoir réalisé une bonne partie de mes rêves, j’en ai encore musicalement, le petit projet classique, pourquoi pas un projet avec un orchestre ou faire une musique de film, ça pourrait m’intéresser mais j’ai énormément de chance car j’ai réalisé une partie de mes rêves. Mais je considère pas ça comme terminé car j’ai envie de continuer à le vivre ce rêve, c’est pas comme un but que tu as atteint et ça y est tu passes à autre chose, j’ai envie de pouvoir continuer à le faire, c’est à dire à vivre de la musique le plus longtemps possible et le mieux possible, continuer à faire des albums, à vivre des sensations à travers la musique, à en profiter avec mes proches. On n’est pas tant que ça à concrétiser les rêves qu’on avait. Quand j’avais 14 ans, 17ans, j’avais des rêves et si je me voyais aujourd’hui, il y a peut être des choses que je changerais mais globalement j’ai été complètement en accord avec mes rêves d’ado et je les ai plus ou moins concrétisés et on n’est pas tant que ça à pouvoir le faire et pouvoir garder ça en tête et y arriver.

A : Je te le souhaite ! Merci !
PR : Merci à toi !


Site officiel : www.rondat.com.