The Gathering le 24 Février 2006 - Paris


Il n'est plus très utile de présenter le groupe The Gathering, groupe qui s'est d'abord fait connaître avec un métal atmosphérique et son album Mandylion, pour évoluer aujourd'hui dans des strates beaucoup plus rock. Anneke (chant) et Frank (claviers) nous présentent leur nouvel album Home !


Aedonia : Quel était votre objectif à l’écriture de ce nouvel album ?
Frank Boeijen : Eh bien nous voulions qu’il ressemble aux albums précédents, et qu’en même temps il soit meilleur. Notre dernier album en date, Souvenirs, est vraiment très bon et c’était difficile de trouver quelque chose de différent mais nous voulions quelque chose de plus organique, plus simple aux niveaux des sonorités, et aussi au niveau des émotions. Je pense que nous y sommes arrivés. Nous avons aussi enregistré dans des conditions très différentes, puisque nous n’avons pas enregistré dans un vrai studio mais une église.

Anneke van Giersbergen : L’objectif principal était d’avoir quelque chose de pur et proche de nous-mêmes. Avec Souvenirs, qui est un bon album, c’était très produit, très riche, avec beaucoup de choses qui se passent et qu’après avoir écouté l’album 20 fois tu peux entendre quelque chose de nouveau. C’était du très bon travail, mais difficile de faire mieux. Nous devions partir dans une nouvelle direction et je pense que c’est ce que nous avons fait avec ce nouvel album, qui est plus pur, plus chaleureux.

A : Pourquoi avoir choisi le titre Home ?
AG : Home peut vouloir dire beaucoup de choses différentes, et pour toi ça peut avoir une signification bien différente que pour nous. Pour nous c’est en partie les mois passés dans cette chapelle à enregistrer où on pouvait dormir, manger, enregistrer et c’était tellement bien qu’on se sentait vraiment comme à la maison. Nous avons fait la musique que nous voulions vraiment faire. C’était aussi comme à la maison car nous avions nos amis qui venaient sur place pour nous faire la cuisine. Ca représente aussi toute l’ambiance de l’album, une vie qui se déroule, une histoire sans mots, que tu sens quand tu rentres vraiment dans l’album avec différents aspects, et avec une fin douce et calme comme si tu étais confortablement installé à la maison ou dans un très bel endroit.

A : Pourquoi cette église ?
FB : En fait l’idée vient de notre producteur, Atti Bauw qui a aussi produit notre album How to measure a planet ? en 98. Il nous a dit, voilà, nous pouvons aller enregistrer ce nouvel album en studio, mais nous pouvons aussi louer un endroit, n’importe quoi, une maison, une villa, une ferme. Il a ensuite commencé à regarder ce qu’il pouvait trouver, et il est tombé sur cette petite chapelle, qui est dans le sud-est de la Hollande, très proche en fait d’où nous venons, et donc nous avons envahi l’endroit, monté notre propre studio, apporté tout notre matériel. En fait c’était génial car nous avions beaucoup de liberté ce qu’on n’a pas dans un studio conventionnel où il faut respecter pleins de règles, où on nous dit il faut faire ça, puis ça, puis ça. Quand tu as ton propre espace, tu fais exactement comme tu veux. Nous avions aussi des chambres pour dormir, ce qui est génial car nous pouvions dormir sur place et travailler à n’importe quelle heure, une cuisine pour préparer nos repas, et même des amis sont venus nous rejoindre pour cuisiner pour nous. L’atmosphère sur place était géniale et ça compte beaucoup et ça aide beaucoup à écrire de la musique.

A : D’où vous vient l’idée du artwork ?
AG : Nous avons trouvé par hasard ce dessin de poupée, et pour nous ça a été instantané, c’était ce qu’il nous fallait. C’est une si belle image, cette poupée qui attrape son cœur. C’est très sombre comme dessin mais aussi très chaleureux et elle a aussi différents détails qui collent bien à la musique.

A : As-tu utilisé beaucoup de samples sur cet album ?
FB : Non, ce que je fais en tant que claviériste c’est d’abord enregistrer tout ce qui me plait, tout ce qui me passe par la tête sur mon disque dur, pour ensuite les rejouer. J’utilise des samples essentiellement en concert. Tout ce que tu entends sur le nouvel album a été enregistré avec un micro ou en ligne. Je n’utilise pas de librairie ou de soft.

A : Est ce que vous laissez le producteur beaucoup intervenir sur les morceaux ?
FB : Cette fois nous avions une vision très claire de ce que nous voulions faire. Nous avions entre 12 ou 14 chansons, pas complètement finies. On s’est dit, on y va, allons squatter cette chapelle et finissons les morceaux là-bas. Mais nous savions presque déjà quel serait l’ordre des morceaux, les paroles, et à quoi ressemblerait l’album. C’était nouveau pour nous car nous n’avions jamais travaillé comme ça. Nous avions toujours quelques titres, et on partait en disant essayons de faire un album avec ça. Concernant le rôle du producteur, il n’est pas intervenu dans la musique mais était là plus comme un manager, pour nous permettre de bien travailler et de continuer à nous faire avancer, à nous pousser un peu plus à l’aventure pour trouver encore plus d’idées, d’aller plus loin dans notre façon de jouer. Nous avons écrit toute la musique et le producteur était notre carburant en quelque sorte.

A : Pourquoi avez-vous choisi de travailler avec Atti Bauw ?
FB : Il avait déjà travaillé sur notre album How to measure a planet ?, et il a un esprit très créatif, il est très encourageant, et c’est aussi un très bon producteur, je trouve que l’album sonne très bien. Pour nous le choix était facile car il est aussi un fan de notre musique.

A : Qu’as tu utilisé comme claviers ?
FB : J’ai utilisé un Korg Triton, un piano électrique Yamaha, un vrai piano, un synthétiseur suédois, des samples d’un Mellotron.

A : Comment travaillez-vous pour écrire les morceaux ?
FB : Tout le monde essaie de participer à l’écriture, mais la plupart des idées viennent de ceux qui jouent d’instruments mélodiques comme les claviers et les guitares. Les idées de départ viennent essentiellement de René et moi mais nous travaillons beaucoup en groupe, nous aimons bien travailler ensemble. Par exemple je peux avoir beaucoup d’idées mais j’ai besoin de l’avis des autres pour vraiment en faire quelque chose, j’ai besoin d’entendre la guitare, la basse, la batterie et le chant pour savoir si c’est vraiment un bon morceau. Je ne peux pas le faire seul.

A : Vous travaillez beaucoup sur un album avant d’enregistrer ?
FB : Nous avions déjà tous nos morceaux avant d’enregistrer, et je crois qu’il y en avait 15 mais nous en avons retiré. Nous avons enregistré une démo chez nous en enregistrant sur un ordinateur. La plupart des titres ont été écrits l’été dernier et au début de l’automne 2005.

AG : Oui nous avons commencé à la fin de la tournée pour l’album Souvenirs. Nous avons arrangé et répété tous les morceaux chez nous, et en fait ça représente 6 mois de travail avant de partir en studio.

A : Par quoi êtes-vous inspirés pour écrire les paroles ?
AG : Je suis toujours inspirée par la musique ou les mélodies de Frank et René. Quand ils me font écouter quelque chose, j’ai tout de suite des idées qui me viennent. Je ne suis pas très douée pour les titres mais des fois René ou Franck arrivent avec des titres, ou juste un mot et je peux écrire des lignes et des lignes à partir de ce mot, et de l’ambiance de la musique. Pour moi c’est assez facile, mais il m’arrive d’attendre jusqu’au dernier, vraiment le dernier moment pour écrire les paroles, par exemple au studio au moment d’enregistrer. Il m’arrive aussi d’entendre ce que fait Franck au piano et en 5 minutes j’ai écrit toutes les paroles.

A : Tu as travaillé aussi sur les paroles ?
FB : Non. De temps en temps nous avons des titres de chansons, par exemple le titre Forgotten, qui était à l’origine un truc au fond de mon ordinateur et dont j’avais complètement oublié l’existence, d’où le titre. Anneke a ensuite écouté le morceau, et m’a dit c’est un super titre Forgotten, je vais écrire des paroles là-dessus. C’est une des petites histoires de l’album !

AG : C’est un bon exemple car ça montre qu’on peut vraiment être rapides dans certains cas.

A : Anneke, tu n’as pas eu peur de perdre ta voix en donnant naissance à ton premier enfant ?
AG : Oui j’ai entendu parler de ça mais je n’ai pas eu peur. Je pense que les choses qui arrivent, arrivent toujours pour une bonne raison, et si j’avais perdu ma voix, ce qui veut dire que j’aurais du arrêter la musique et être mère à temps plein, ça aurait été terrible et dur à vivre, mais il y aurait eu une bonne raison à cela, par exemple être une meilleure mère ou faire autre chose dans ma vie, mais non ce n’est pas arrivé ! Maintenant je suis vraiment contente de pouvoir combiner les deux plus belles choses qui me sont arrivées dans ma vie.

A : Ca ne va pas être trop compliqué de partir en tournée maintenant ?
AG : Non en fait nous allons l’emmener avec nous, à part pour aller sur le continent américain où il y a trop de temps de vol pour un petit. En Europe il aura un bus aménagé avec tout ce qu’il faut, il aura sa maison avec lui tout le temps alors j’espère que ça lui plaira. S’il arrive à dormir correctement dans le bus, on pourra combiner ces deux vies et ce sera vraiment bien de l’avoir avec nous.

A : Est-ce que vous avez prévu d’essayer de vous faire une place sur le marché américain ?
AG : Nous existons déjà un petit peu aux US mais c’est un grand pays avec beaucoup de groupes. Nous ne sommes pas très gros sur leur marché, mais à chaque fois que nous allons là-bas ça se passe mieux. Nous n’essayons pas très fort de percer, nous allons juste jouer là-bas pour le plaisir. Nous n’avons pas l’illusion d’être vraiment connu un jour aux US, c’est trop gros.

A : C’est quoi les extraits en français sur le titre Solice ?
FB : Sur ce titre il y a 5 langues différentes, ça commence en espagnol, puis de l’hollandais, du norvégien, c’est en fait une de nos amies qui est originaire de Norvège qui a enregistré cette partie. Nous avons tout enregistré nous-même et c’est aussi cette amie norvégienne qui a enregistré la partie française.

A : Pourquoi vouliez-vous toutes ces langues ?
FB : L’idée était de créer un chaos verbal, parce que les paroles parlent d’organiser le chaos.

A : C’est la même chose pour le titre Fatigue ?
FB : Non là pour le coup c’est un titre anglais, même si l’origine du mot est française. C’est une porte qui s’ouvre sur une nouvelle partie de l’album. L’album est construit sur ce principe, tu ouvres des portes sur différents univers.

A : Il y a deux instrumentaux sur cet album, c’est plutôt nouveau dans le style de The Gathering ?
FB : Ces morceaux ne sont pas vraiment instrumentaux, il y a quand même des parties chantées. Nous aimons ce style d’ambiances, très musique de film.

A : D’ailleurs vous avez travaillez pour un film ?
FB : Oui le titre est sur l’album, le morceau The Quiet One. Nous l’avons fait pour un court métrage qui a gagné quelques prix, de très connus d’ailleurs, qui a été réalisé par un de nos amis. Il est moitié japonais, moitié polonais et c’était son projet de fin d’études dans une école de cinéma. Ce film a même été diffusé à la télévision nationale.

A : Est ce que vous prévoyez de faire de la musique pour d’autres films ?
FB : Oui , ça dépend si les gens s’intéressent à nous. Je pense que notre musique s’adapte bien au cinéma.

AG : C’est très difficile de se faire une place dans ce milieu, car c’est vraiment une industrie énorme. Le cinéma et la musique sont très proches artistiquement mais ce sont deux mondes à part, et il est très difficile de se faire une place dans le cinéma pour faire de la musique. Mais nous essayons et j’espère que nous y arriverons un jour.

A : Est qu’il y a d’autres artistes avec lesquels vous aimeriez travailler ?
FB : Oh , beaucoup ! Bien de trop pour le dire ! L’été dernier j’ai découvert un artiste français par exemple, qui fait de la très bonne musique, un autre artiste qui fait de la musique électronique à Paris, Colder avec son album Heat, des artistes norvégiens, islandais.

AG : Prince, oui je sais ça n’arrivera jamais, mais en tant que groupe je pense que ce serait de jouer avec Radiohead par exemple, ou Placebo, ce genre de groupes rock contemporains, que nous aimons beaucoup.

A : Avez-vous des rêves à réaliser en dehors de la musique ?
FB : Eh bien, j’ai un rêve, qui restera peut être un rêve car je ne suis pas sûr de pouvoir faire ça, mais un grand rêve pour nous tous dans le groupe serait de faire la musique pour un film, et même de participer au film, voire même d’écrire la musique et de faire ensuite le film. Ce serait intéressant de faire le truc à l’envers.

AG : Nos vies sont très liées à toutes formes d’art, par exemple, René fait de la peinture, et d’ailleurs il fait de très jolies choses. Nous avons tous d’autres occupations en dehors de la musique qui ont à voir avec l’art et l’expression.

A : Et toi ?
AG : Ah, moi ? (rires). J’aime beaucoup écrire, j’écris beaucoup en tournée, par exemple de petites histoires. Peut être un jour je sortirai un livre mais je ne sais pas si quelqu’un aimerait les lire. En tout cas j’adore les écrire.

A : Voulez-vous ajouter quelque chose ?
AG : La seule chose que j’espère vraiment c’est que les gens vont donner une chance à notre nouvel album, nous avons travaillé si dur dessus, nous en sommes très fiers, et nous espérons que les gens vont l’écouter 3 fois et après vraiment décider s’ils l’aiment ou non. J’espère qu’on verra tout le monde aux concerts, nous faisons 3 concerts en France pour le moment et peut être nous reviendrons après l’été.

A : Merci !
AG ! Merci beaucoup (en français) !

Site officiel : www.gathering.nl.