Yann Armellino le 27 Octobre 2004 - Paris


C’est le moment ou jamais pour les retardataires (comme moi) de découvrir ce talentueux guitariste français, Yann Armellino. Déjà auteur de 3 albums, c’est pour son quatrième opus intitulé Cross-Rocks que nous le rencontrons, avant qu’il parte en tournée avec Patrick Rondat et Freak Kitchen (Mattias Eklundh).


Aedonia : Qu’as-tu voulu exprimer avec ce nouvel album ?
Yann Armellino : Alors je tiens d’abord à souligner une chose, c’est que j’ai la chance de pouvoir faire un 4ème album, car les temps sont durs aujourd’hui pour les musiciens et pour l’industrie de la musique en général. Cet album c’est en fait la suite logique de mon troisième album, et un peu de mon deuxième aussi car ils sont assez proches l’un de l’autre. La grosse différence c’est que Cross-Rocks comportent des parties chantées et est plus axé Blues. Je me tourne plus vers le blues car ça correspond plus à mon jeu, je ne suis pas un shredder, et en fait ça fait des années qu’il y a pleins de sonorités Blues dans ce que je fais, et là j’ai voulu l’exprimer un peu plus. Avec mon éditeur Jean Davoust on a eu l’idée de reprendre des titres de Robert Johnson, et donc au final il y en a 5 sur l’album dont 2 instrumentaux. Mon éditeur s’est arrangé avec ses équipes américaines pour réunir tout un tas de monde pour l’album, et il s’est trouvé que c’était l’idéal pour faire ces reprises. Les 3 titres chantés ont été enregistrés en partie aux Etats-Unis, et en partie ici..

A : Comment tu as composé les autres titres de l’albums ?
YA : Alors ce que j’ai fait sur cet album, car je manquais vraiment d’inspiration, c’est que j’ai eu l’idée de prendre le problème à l’envers : c’est à dire d’aller en studio, d’enregistrer les parties batteries, et en extraire certaines parties. Je suis donc revenu dans mon studio avec des bouts de batteries qui pourraient éventuellement finir sur l’album, et j’ai composé à partir de ces batteries. Le schéma de l’album était quasi fait, en fait, car j’avais 8/9 titres de 3/4 minutes chacun, juste avec l’accompagnement et quelque fois des breaks. D’habitude tu composes à la guitare ou au piano et la partie rythmique c’est ce qui vient au dernier moment. Mais la non ! C’est un procédé qui est beaucoup utilisé dans la techno, dans l’électro, et ça a très bien fonctionné car j’ai retrouvé l’inspiration avec ça..

A : Est ce que ton inspiration vient d’idées ou d’images ?
YA : Non pas du tout, ça vient vraiment comme ça , d’un riff. Un groove t’apporte toujours une idée harmonique ou mélodique, et c’est le principe même des Jams. Le batteur lance un rythme, souvent le bassiste commence, et toi par rapport à ça tu lances quelque chose et au fur et à mesure le reste vient. Là c’est un peu pareil, sauf que c’est un bœuf tout seul (rires) … En tout cas ça a été un super remède pour que la créativité revienne..

A : Pourquoi fais-tu essentiellement de la musique instrumentale ?
YA : En fait c’est tombé un peu par hasard, je n’étais pas trop destiné à ça au départ. J’étais en train de produire l’album d’une chanteuse quand Serge qui était à l’époque gérant de tout le groupe de presse Best et Hard Force s’est décidé à monter son label. Il me suivait déjà dans différentes formations, j’en ai fait pas mal, et il sentait que j’avais quelque chose à dire à chaque fois que les parties chorus arrivaient, car on n’arrivait plus à m’arrêter. Il m’a alors dit je te propose qu’on fasse ton premier album, mais en instrumental, parce que je suis sûr que tu as des choses à dire. Il m’a lancé un défi, et j’ai répondu pourquoi, j’ai jamais fait ça, je veux bien essayer. J’ai commencé avec ce premier album qui est pour moi une démo un peu améliorée, faite avec trois francs six sous, produite par Serge qui n’avais par énormément de moyens. Je me suis pris au jeu et je suis arrivé à 8 ou 9 titres, presque le temps d’un vinyl, et puis ça a plutôt bien marcher. En plus grâce à nos connaissances l’album s’est retrouvé distribué chez Sony Music, ils ont faits un super boulot et ont bien aimés l’album. Le seul insatisfait au final c’était moi, car sortir ça alors que c’était qu’une démo, avec que de la boite à rythmes, comme beaucoup de premiers albums, et c’est d’ailleurs ce que je reproche à la plupart des premiers albums qui sortent avec des boites à rythmes et ne tiennent pas la route sur la longueur. Suite à ça j’ai dit à serge on remets ça tout de suite, et mon second album est sorti 8 mois après le premier, quasiment dans la même année. Et là il était fait avec plus de moyens, je commençais à trouver ma patte. Quand tu fait un premier disque, que t’as jamais fait d’instrumental, que t’es pas un mec qui fait qu classique, n’est un débouleur de notes, tu te cherches un peu. Le premier album, tu y retrouves toutes tes influences, le deuxième encore un peu, et là au fur et à mesure des choses ça s’est un peu lis en place, c’est pour ça que sur le deuxième album il y a une reprise de Marvin Gaye, car j’aime beaucoup tout ce répertoire des années 70, une reprise de Ike et Tina Turner. C’est pas du tout dans le monde du hard rock ou du métal, c’est vraiment du vieux rythm and blues : la personne qui ne tape pas du pied en écoutant ça, qu’elle passe à autre chose. J’ai donc commencé à un mettre un peu de toutes ces influences et malheureusement, 4 mois après la sortie de ce second album, Best Hard force ont coulé, ainsi que le label. Du coup là c’était un peu dur pour moi, et j’ai été voir Stéphane Gérard et Vicent de Edel France (Sony), qui m’ont dit que les deux premiers albums ayant bien marchés, on continuait de bosser en direct. On a donc enchaîné sur un troisième album avec encore plus de moyens..

A : Comment t’es tu mis à la musique ?
YA : Je suis complètement autodidacte. J’ai commencé il y a une quinzaine d’années, après l’écoute d’un album de Kiss, que j’écoute toujours. J’ai énormément bosser la guitare rythmique, pendant 8 ans j’ai fait que ça, et d’ailleurs je ne voulais pas faire de chorus, je voulais vraiment me perfectionner dans la rythmique. Pour moi, au même titre qu’une basse, c’est la locomotive. Avant de faire de l’instrumental, quand j’écoutais des disques de guitare instrumentale, je trouvais que la rythmique derrière était d’une pauvreté affligeante, trois accords qui ne groovent pas une cacahuète, alors que selon moi la main droite d’un guitariste c’est sa batterie et c’est pour ça que j’ai vachement flashé sur des jeux comme Nuno Bettencourt (ex-Extreme) qui est hyper rythmique. Mes idoles c’était Paul Stanley, Rudolf Shenker car c’était que des rythmiques, et au fur et a mesure j’ai commencé à apprendre des solos, car dans la plupart des groupes que j’ai fait j’étais le seul guitariste. J’ai ensuite travailler le solo avec tout ce background de rythmique derrière moi. C’est pour ça que dans mon jeu c’est très mitigé, y’a beaucoup de rythmique, beaucoup de chorus, mais pas une rythmique qui sert de base pour le chorus. Pour moi les deux ont vraiment leur importance..

A : Comment s’est passé l’enregistrement du nouvel album ?
YA : Oh très bien ! En fait y’avait pas de difficulté car j’ai tout fait chez moi. Pour les enregistrements aux Etats-Unis, il m’envoyaient leur session Pro Tools, j’écoutais, je faisais mes remarques, si ça allait pas ils recommençaient. Il valait mieux enregistrer là-bas car il y a quand même beaucoup de cuivres. Ils nous ont envoyés des mixs, on a fait les nôtres de notre côté et finalement on a gardé les nôtres. Ils avaient fait du très bon travail, mais comme on avait déjà mixé le reste de l’album, c’était plus cohérent de garder la couleur de notre mix. Je suis d’ailleurs ravis du travail qu’ils ont fait d’autant plus que ce sont des pointures qui ont participé à l’album. Parmi elles il y a les chanteur de Santana depuis l’album Supernatural, et l’ensemble basse/batterie pour le premier titre repris, tout le groupe Tower of Power, un groupe des années 70 qui tourne toujours beaucoup, pour le second, et pour le troisième qui sonne plutôt country et qui est l’OVNI de l’album, c’est la choriste d’Elton John qui chante..

A : Comment as-tu réussi à avoir ces personnes sur l’album ?
YA : C’est grâce à mon éditeur en fait. Il gère pour toute l’Europe le catalogue de Robert Johnson, donc ses œuvres musicales et ses partitions. Robert Johnson est considéré comme l’inventeur du Blues. Il a enregistré 18 titres dans sa vie, de 1937 à 1938, année où il est mort. Toutes ses bandes son sont des mines d’or, quand tu écoutes ses enregistrements, y’a tout ! Le dernier Clapton n’est fait que de reprises de Robert Johnson. Ce type a été repris des tonnes de fois déjà. Jean Davoust a contacté les équipes américaines qui gèrent ce catalogue, on leur a envoyé mes deux albums précédents, et ils ont été intéressés par le projet. Ca tombait bien car ce qu’il manquait à mes précédents albums c’était des parties chantées pour avoir une distribution digne de ce nom, pas en France, mais ailleurs, et là c’est ce qu’on va avoir, on va être distribués au Canada, aux Etats-Unis et au Japon..

A : Où as tu enregistrés les autres morceaux et avec qui ?
YA : En fait j’ai enregistré le reste ici, sans personne d’autres. J’ai tout fait comme d’habitude, basse, batterie, et guitares. C’est plus pour une question de souplesse d’emploi du temps, car j’ai un bassiste, avec qui je m’entends très bien. Et puis j’aime bien enregistrer ces parties, j’aime bien la basse, alors quand je sais que je vais enregistrer un nouvel album je travaille ma basse aux doigts 3 heures par jour pour vraiment me remettre dans l’esprit et après j’enregistre. C’est aussi un challenge, et financièrement c’est moins coûteux.

A : Y’a d’autres musiciens avec qui tu aimerais travailler ?
YA : Y’en a plein, la liste est longue ! (rires) En français y’en a pas énormément, et après ça peut être très large. Par exemple la tournée qui vient j’en suis très contant, car j’aime beaucoup Patrick Rondat, je respecte beaucoup ce qu’il fait. J’aime beaucoup ce que fait Rudy Roberts, qui a enregistré avec Stuart Hamm et Jonathan Mover, et qui prépare son troisième. Il y a aussi Christophe Godin que j’aime beaucoup, surtout pour son humour. J’aimerais bien travailler avec Lavilliers, mais là on commence à changer de domaine. Dans la nouvelle tendance j’aime aussi De Palma, je trouve qu’il a pleins de choses à dire, qu’il a un vrai feeling … Sinon je ne sais pas trop … Participer au nouvel album de Paul Stanley, on peut rêver (rires) ….

A : Tu attends quoi de la tournée qui vient ? Quel est ton sentiment par rapport à Freak Kitchen .
YA : De Mattias je connais surtout Freak Kitchen, et son premier album solo. Freak Kitchen, je trouve ça hyper bien, c’est mélodique, il compose de vraies chansons, de vrais refrains, et c’est un peu intemporel. Je pense que cette tournée va vraiment être sympa. .

A : Tu as déjà eu des contacts avec eux ?
YA : J’ai déjà fait deux bœufs avec Patrick, on s’apprécie mutuellement, mais pas encore avec Mattias. Mais on va voir comment ça va se passer surtout qu’il y a un bœuf entre nous trois à la fin de chaque concert..

A : Vous avez déjà établi des titres ?
YA : J’ai déjà envoyé une liste mais Patrick n’est pas là de la semaine alors on va en parler la semaine prochaine..

A : Tu as utilisé quoi comme matériel pour l’enregistrement ?
YA : J’ai fait l’enregistrement avec une Ibanez, du Rocktron en ampli avec un Prophesy un ampli de puissance et deux baffles tout Rocktron, et ça marche super bien. Quand tu veux des sonorités un peu cristallines, c’est la Rolls..

A : Comment tu as fait tes prises de sons ?
YA : Souvent avec un micro et des fois en direct dans la console depuis le Prophesy, ça marche très bien et c’est en stéréo. J’avais déjà utilisé le Prophesy sur le troisième album, avant c’était avec Marshall, je m’étais aussi servi du rack PSA1 de Sans Amp..

A : J’ai vu que tu avais changé de guitare récemment …
YA, Oui je suis passé de Hammer à Ibanez, parce que Hammer n’est plus distribué en France. Quand j’ai signé avec eux en 2001 la marque venait d’être reprise par String Music Import, ils voulaient mettre en avant la marque mais ça n’a pas bien marché pour eux. Je pense que les guitares Hammer sont trop chères, comme pas mal d’autres guitares haut de gamme. Après j’ai démarché un peu, et dans les marques qui m’attiraient il y avait Ibanez, avec leur modèle SZ, car je ne joue pas du tout au vibrato. Ce ne sont pas des guitares dites haut de gamme mais elles sont aussi confortables, et je trouve ça bien de jouer avec des guitares qui ne soient pas hors de prix. .

A : Tu travailles ta guitare beaucoup d’heures par jour ?
YA : Je travaille 2/3 heures par jour, je ne sais pas si c’est beaucoup, car y’en a qui jouent 10 heures par jour, mais j’ai toujours une guitare à portée de main. En fait je travaille 2/3 heure, mais je l’ai au moins 5/6 heures dans les mains. C’est l’avantage de cet instrument, tu peux faire n’importe quoi d’autre en jouant ….

A : Tu te fais des plans de travail ?
YA : Non en fait je joue mes titres, je travaille quelques trucs techniques, mais je ne suis pas très fixé, genre, il faut que tu travailles ce plan..

A : Tu reprends quelques morceaux de temps en temps ?
YA : J’ai travaillé du Satriani à une époque mais je ne le fais plus. Je préfère jouer des plans qui viennent de moi, y mettre ma propre empreinte plutôt que d’apprendre scolairement des plans et répéter bêtemment. En plus tu chopes des automatismes, des plans au mec et c’est le truc qui me dérange..

A : Tu écoutes quoi habituellement ?
YA : J’adore le dernier Kotzen. Je l’ai découvert juste quand il a rejoint Poison. Il a très vite quitté le groupe et fait pleins de choses ensuite. Il est très productif et sort un album par an. Il fait pas du tout d’instrumental, et tire un peu parfois vers la Soul, comme Steve Salas que j’adore aussi. Dans les valeurs sures il y a les Van Halen, les Kiss, Aerosmith, j’adore Joe Perry, Jeff Beck, Bon Jovi avec Sambora et Sambora aussi, Def Leppard, Slayer aussi ….

A : C’est difficile aujourd’hui de faire du métal en France ?
YA : Oui c’est très dur. Ce soir je fais une émission sur France Inter, mais c’est en direct entre 2 et 3 heures du mat. Le hard rock en est rendu là en France. C’est dur, car il n’y a quasiment plus de disquaires qui étaient des mecs passionnés, qui étaient là pour faire découvrir des choses, et il reste plus que les fnacs qui jouent le jeu des produits marketing. On est peu à pouvoir sortir des disques et pouvoir en vivre..

A : Y’a un rêve que tu voudrais réaliser même en dehors de la musique ?
YA : Non pas vraiment. Le rêve que j’avais depuis longtemps c’était de faire de la musique et en vivre. Sinon, c’est complètement délirant, mais ce que j’aimerais c’est retourner en 1975 avec l’age que fait, mes connaissances musicales, et reprendre là. Sinon, non, j’ai pas de folies des grandeurs comme ça, pas de villa avec piscine. J’aimerais bien que les choses aillent mieux partout, pas forcément dans la musique mais dans tous les corps de métier… En rêves … J’aurais voulu faire partie de Kiss ! (rires) !.

A : Merci !
YA : A bientôt !.

Site officiel : http://www.yannarmellino.com/.